Le projet architectural
Le Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur aura passé trente ans au cœur du quartier du Panier à l’ombre de la Vieille Charité, témoin privilégié de l’évolution de la société marseillaise et du renouveau de ses quartiers du centre-ville. Plusieurs projets de relocalisation auront au tout début des années 2000 été envisagés mais en vain, faute de consensus politique et financier. Une alchimie politique se cristallisa en 2006 avec l’inscription de la construction d’un nouveau Frac au Contrat de Projet État/Région. Consensus humain également entre les représentants du Conseil régional et de l’État qui s’engagèrent avec conviction et enthousiasme sur ce projet de relocalisation tant attendu. Une aventure qui aura pris près de cinq ans avant de devenir réalité et de voir enfin sortir de terre les fondations du bâtiment que conçut Kengo Kuma (il remporta le concours en 2007 à l’unanimité).
Une alchimie d’autant plus inattendue qu’elle se doublera en 2008 de la désignation de Marseille-Provence au titre de Capitale européenne de la Culture en 2013. Une mutation urbaine unique en Europe voit se développer entre l’entrée du Vieux-Port, le secteur d’Arenc et le quartier de la Joliette, le programme Euroméditerranée qui s’inscrit dans le cadre de nouvelles relations entre ville et port, dessinant un nouveau pôle culturel pour Marseille et attirant les plus grands architectes internationaux.
L’implantation du Frac, boulevard de Dunkerque en hypercentre urbain, vient créer le trait d’union attendu entre d’une part un front de mer conquis par les banques et administrations et des immeubles d’habitation occupés par des communautés vivant dans des conditions de précarité très grandes.
Un travail de proximité relationnelle est mené par le Frac qui invite dès 2006 des artistes à travailler sur la sociologie et l’histoire mouvementée de ce quartier. Il trouve sa consécration avec le projet de Till Roeskens, « Plan de situation Joliette », film témoignant de la sociologie du quartier, de ses habitants, de ses commerces et de la lente et inexorable mutation de ces trois parcelles dévolues au Frac.
Cette localisation et cette sociologie si particulières ne pouvaient que séduire Kengo Kuma qui entretient avec Marseille une relation forte, faite de souvenirs d’étudiant arrivant pour la première fois en France par Marseille. C’est également un défi architectural que Kengo Kuma a su maîtriser, réussissant à inscrire sur trois parcelles improbables, d’une superficie au sol de 1300 m2, l’intégralité du cahier des charges. La géographie de ce terrain aura fortement conditionné la typologie du bâtiment, construit dans une triangulaire en cœur d’îlot urbain où les façades arrière des immeubles s’ouvrent directement sur les espaces du Frac. Le projet du Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur est la version tridimensionnelle du « musée sans murs » d’André Malraux, comme aime à le souligner Kengo Kuma. C’est un musée sans musée, un musée mouvant et vivant, dans lequel les œuvres sont en mobilité permanente et s’inscrivent dans une logique de diffusion et d’interaction avec le public.
De l’harmonie d’un projet
Véritable plate-forme de production et de diffusion, le Frac dispose enfin d’un véritable outil de soutien et de promotion de l’art contemporain, avec ses quatre espaces d’expositions, son centre de documentation, son espace pédagogique, ses deux résidences, son restaurant, une véritable base artistique ouverte sur la ville et vivant au rythme de la diffusion de la collection conservée en sous-sol dans son intégralité.
« Nous avons pensé le Frac comme un signal dans la ville pour donner une meilleure visibilité à l’art contemporain. » Ouvert à la fois sur la ville par ses façades en verre et en cœur d’îlot, le Frac constitue un bâtiment « transparent », effaçant l’architecture pour mieux percevoir son environnement immédiat, offrant aux visiteurs des points de vue et des perspectives intérieures et extérieures surprenantes, se jouant des volumes et des niveaux dans une dynamique interne inattendue.
Une fluidité de mouvement et de déambulation tant horizontale que verticale. En utilisant une palette de matériaux limitée (béton et verre) créant des espaces aériens, volumineux, ouverts et baignés de lumière, Kengo Kuma porte la tradition japonaise jusqu’au seuil le plus contemporain.
Par ailleurs, l’attention portée aux espaces de circulation n’est pas sans évoquer le principe de rue intérieure de la Cité Radieuse de Le Corbusier.
Le traitement esthétique de la façade en verre aura fait l’objet de nombreuses recherches, menées dans un premier temps à Marseille au Cirva. Après de multiples essais, la façade en verre sera réalisée à l’Atelier Barrois à Brioude, un atelier où artisanat et recherche industrielle sont convoqués pour mieux répondre aux attentes et exigences des architectes. Cette façade pixellisée composée de plus de 1500 éléments de verre constitue le geste esthétique majeur de ce bâtiment, à la fois double peau de verre, filtre aérien et suspendu tempérant la lumière à l’intérieur des espaces et imposant sa silhouette sur le boulevard de Dunkerque tout en transparence.
Véritable phare ouvert sur la ville, le Frac fait figure de signal architectural et entend ainsi jouer un rôle majeur pour favoriser la rencontre entre le public et la création contemporaine dans ses multiples expressions. Une esthétique de la rencontre qui ne se limite pas à un geste architectural, mais qui porte en elle des valeurs philosophiques empreintes d’humanisme et de tolérance.
— Dénomination : Fonds régional d’art contemporain Provence-Alpes-Côte d’Azur
— Dates (concours et fin de chantier) : 2007–2013
— Architectes : Kengo Kuma & Associates, Kengo Kuma & Associates Europe
— Chef de projet : Nicolas Moreau (Moreau Kusunoki Architectes)
— Assistante chef de projet : Louise Lemoine
— Chargé de phase chantier : Jean Daniel Boyé
— Architecte associé : Agence Toury & Valley
— 1% artistique pour la création de l’identité visuelle du Fonds régional d’art contemporain Provence-Alpes-Côte d’Azur et la conception et réalisation de la signalétique du bâtiment : Marie Proyart et Jean-Marie Courant avec l’aide d’Olivier Vadrot
— Commanditaire : Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, avec le soutien du Ministère de la Culture et de la Communication (Délégation aux arts plastiques/Direction régionale des affaires culturelles Provence-Alpes-Côte d’Azur)
— Maîtrise d’ouvrage : Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Ministère de la Culture et de la Communication
— Maîtrise d’ouvrage déléguée : AREA Paca
— Programme :
Surface construite : 5400 m2
Surface d’exposition : 1009 m2
Surface de conservation et ateliers techniques : 1202 m2
Surface d’administration : 398 m2
Atelier pédagogique : 78 m2
Surface de documentation : 400 m2
Les matériaux
L’enveloppe est composée d’éléments de verre non teinté (variation de blanc), aux degrés d’opacité différents, dont la distance de la façade étanche varie. Leur organisation, selon une géométrie élancée et verticale, crée une variation qui anime et module l’écran d’un jeu subtil et le rend réactif aux variations climatiques.
La façade : l’évolution du projet
L’image du concours mettait en scène un bâtiment dont l’enveloppe exprimait une certaine légèreté et transparence, qui offrait une relation sensible des utilisateurs avec l’environnement urbain.
La mise aux normes et le respect de règles Hqe ont transformé quelque peu l’image du bâtiment sans pour autant en changer l’image générale. Le bâtiment a pris une certaine consistance; le jeu des volumes, l’expression du programme se sont renforcés, unifiés et sont soulignés par une enveloppe particulièrement soignée.
Un travail particulier a été accompli afin de dimensionner les éléments de verre constitutifs de la façade, tout en gardant l’image d’une architecture légère, scintillante.
Les pixels sont des éléments de 63 cm par 126 cm ; taille réaliste par rapport à la mise en œuvre. Sont recherchées une fragmentation et une modulation du linéaire de façade, qui réagit à la course du soleil, et en fait un bâtiment vivant qui participe et révèle l’activité de la rue, du quartier.
Le corps principal
Dans le corps principal, sont regroupées les espaces d’exposition, le centre de documentation, l’administration et la logistique. Dans la tour, on trouve le café-restaurant, le plateau expérimental, la terrasse urbaine et l’atelier pédagogique.
1 · Entrée principale du bâtiment : hall d’accueil (niveau 0)
2 · Les espaces d’exposition temporaire (niveaux -1 et +2) Deux espaces de 420 m2 et 260 m2
Un puits de lumière met en valeur le volume général de la salle et invite à continuer le parcours vers la deuxième salle de 260 m2. Située au niveau supérieur, celle-ci ouvre sur la terrasse en cœur d’îlot.
Ouverture sur l’extérieur. Le premier espace peut selon les besoins fonctionner indépendamment ou en relation avec le second espace et la terrasse en cœur d’îlot, d’une superficie de 390 m2.
3 · Espace Collection : les réserves (niveau -2)
Le sous-sol est entièrement dédié aux réserves du Frac, qui accueilleront la totalité de la collection dans un volume d’environ 1 000 m3. Elles disposent de leur propre accès rue Vincent Leblanc permettant de gérer les mouvements d’œuvres indépendamment de l’ouverture principale du bâtiment. L’espace de stockage offre deux hauteurs sous plafond (5,80 m et 7,80 m), permettant de plus grandes facilités de stockage.
4 · Le centre de documentation
Le plateau de 400 m2 largement libéré se définit comme un open space modulable selon les besoins.
La terrasse urbaine, en proue du bâtiment, se trouve dans le prolongement de celui-ci, l’organisation du plateau laissant en effet la perspective libre d’un bout à l’autre de l’édifice.
5 · L’administration (niveau +5)
Elle se trouve au dernier niveau du corps de bâtiment et regroupe les pôles direction, administratif, communication, expositions & projets artistiques). Il ne communique pas avec la proue du bâtiment.
6 · Deux studios de résidence (niveau +3)
Les studios, de 40 m2 chacun, permettent d’accueillir des artistes et personnalités du monde de l’art d’horizons divers, en lien avec la programmation du lieu. À l’origine situés dans la proue du bâtiment, ils intègrent à présent l’arrière de l’édifice au niveau +3. Leur accès se fait de façon indépendante rue Vincent Leblanc. Ils donnent l’un sur la rue, l’autre sur la terrasse en cœur d’îlot.
La proue du bâtiment
1 · Le café-restaurant (niveau 0)
Situé à l’angle de la rue Leblanc et du boulevard de Dunkerque, il est géré par concession, et fonctionne indépendamment de l’ouverture du bâtiment.
2 · Le plateau expérimental et la terrasse urbaine (niveau +2)
Le plateau expérimental est une boîte opaque de 96 m2 situé dans la proue du bâtiment, sur deux niveaux : celui de la deuxième salle d’exposition (niveau +2) et celui du café-restaurant (niveau 0). Il est conçu pour offrir une polyvalence optimale afin d’accueillir aussi bien des conférences, des projections que des événements (danse, performance), dans un esprit de transversalité artistique.
3 · Le project room (niveau +7)
Situé au dernier étage de la proue, cet espace de 80 m2 est un espace expérimental dédié à la jeune création.
4 · L’atelier pédagogique (niveau +6)
D’une superficie de 80 m2, c’est un lieu d’expression et de créativité qui prolonge ou prépare à la visite des expositions. L’expérimentation plastique renvoie à des questionnements, des expériences et des connaissances dans un objectif d’initiation à des pratiques, des techniques et des médiums mais aussi d’ouverture du regard et de l’esprit.